Parc du Mont-Bellevue: un développement durable qui va bien au-delà du ski
Le processus guidant les domaines skiables à obtenir la plus haute reconnaissance de l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ) en matière d’écoresponsabilité et de développement durable (DD) est loin d’être un exercice facile…et de tout repos. L’équipe de la station de ski du mont Bellevue, lauréate du prix DD décerné en juin 2023, peut en témoigner.
Avant de recevoir des éloges pour son plan et ses actions de protection du plus grand parc urbain de la ville de Sherbrooke, les partenaires impliqués dans la démarche ont d’abord eu droit à de la grogne, même beaucoup de grogne, de la part de plusieurs dizaines d’utilisateurs du parc. Explications.
La genèse de la démarche
« Tout a commencé en 2018 », raconte Mélanie Drouin, une employée de longue date du Regroupement du Parc du Mont-Bellevue (RPMB), l’organisme qui est mandaté pour gérer la plupart des opérations quatre saisons de la montagne de 85 mètres de dénivelé.
Il y a six ans, les deux propriétaires du vaste domaine de 200 hectares, soit la ville de Sherbrooke (détenteur du quart du territoire) et l’Université de Sherbrooke (détentrice des trois quarts du parc) ont constaté que le réseau de sentiers de vélo de montagne était mis à mal. Plusieurs nouvelles pistes se formaient sans avoir eu leur aval.
Érosion, piétinement de plantes et d’arbustes (dont des espèces précaires) … l’aspect conservation du poumon vert de Sherbrooke en prenait pour son rhume. « Il fallait prendre des mesures et surtout du recul pour mieux analyser et préserver les composantes de notre joyau de verdure », relate Mélanie.
Du monde pas très content
Au grand désarroi de certains utilisateurs du réseau, plusieurs kilomètres de sentiers de vélo de montagne aménagés illégalement ont été fermés. Ces sentiers « hors-la-loi » se trouvaient principalement dans le secteur appartenant à l’Université de Sherbrooke.
Afin d’apaiser la colère des usagers, le RPMB a initié des premières rencontres réunissant les principaux acteurs évoluant autour et au sein du parc. Les propriétaires, ses usagers, ses employés, ses bénévoles et la population de Sherbrooke ont été conviés pour discuter des démarches à suivre. « L’objectif était de trouver des façons de mieux structurer la valeur écologique de notre bijou de verdure urbain tout en préservant l’équilibre quant à son utilisation. Il fallait trouver des terrains d’entente », poursuit Mélanie Drouin.
À ce propos, l’été dernier, une toute nouvelle piste signature a été inaugurée permettant de bonifier le réseau de vélo de montagne de six kilomètres additionnels. Ce qui porte désormais le total à 18 km de sentiers. Un ajout qui a fait le bonheur de nombreux usagers, dont les membres du club de vélo de montagne.
Réserve naturelle en devenir
Mais ce qui fait encore plus la fierté des partenaires et de l’équipe qui gère la station de ski, c’est le travail de concertation entre tous les intervenants. « Cette étroite collaboration a permis de mettre en place un projet rassembleur très ambitieux », indique Mélanie Drouin. Depuis 2019, l’Université de Sherbrooke et ses partenaires ne visent rien de moins que l’obtention du titre de réserve naturelle en milieu privé.
Pour y parvenir, une demande a été déposée par la Ville de Sherbrooke et l’Université de Sherbrooke auprès du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC). « Une des étapes cruciales pour atteindre cet objectif a été de mettre en place un programme de suivi de l’intégrité écologique (PSIÉ), auquel ont participé des étudiants et des étudiantes de l’Université de Sherbrooke, des experts de l’organisme Nature Cantons-de-l’Est et notre équipe RPMB », souligne Mélanie Drouin.
Tout Sherbrooke attend cette désignation qui devrait être officialisée prochainement. Soulignons qu’aucun parc urbain, abritant une station de ski, ne détient actuellement le titre de réserve naturelle au Québec. Cela constituerait une première.
Espèces et ciel étoilé protégés
Mentionnons que le parc du Mont Bellevue abrite près de 400 espèces floristiques et plus d’une centaine d’espèces fauniques, dont une dizaine d’entre elles sont en situation précaire. Même le ciel étoilé fait l’objet d’une protection. Grâce au projet d’Oasis de nuit étoilée, dirigé par une équipe d’enseignants du Cégep de Sherbrooke, il est possible d’observer plusieurs étoiles et constellations en fréquentant le parc.
Pendant des semaines, les enseignants tout comme les étudiants participant à ce projet ont demandé la collaboration des voisins autour du parc pour changer leur luminaire extérieur afin de diminuer la pollution lumineuse. Même la ville a accepté de réduire de 75 % la luminosité de la croix lumineuse qui trône au sommet du mont Bellevue. Résultat, le parc a reçu l’accréditation de l’International Dark-Sky Association. « Nous sommes devenus la première destination urbaine à obtenir cette certification », note Mélanie Drouin. Elle glisse au passage que des ampoules qui aident à réduire la pollution lumineuse sont même vendues à la boutique du chalet de la montagne.
Le travail se poursuit
Enfin, les retombées suite aux démarches entreprises par tous les partenaires liés au parc du Mont Bellevue sont nombreuses, insiste Mélanie Drouin. En plus de protéger la faune et la flore du parc (sans oublier des milliers d’arbres qui ont été replantés), des actions sont prises pour diminuer les émissions de GES. « Pour l’entretien des sentiers de vélo à pneus surdimensionnés, la Ville de Sherbrooke a fait l’acquisition d’une nouvelle machine d’entretien: la MTT 111. C’est une machine 100% électrique et québécoise, dont le traîneau permet de compacter et d’égaliser la neige », explique-t-elle.
Et en plus de disposer d’une politique pour l’organisation d’événements écoresponsables sur son site, le RPMB bénéficie d’une ressource à temps plein dédiée à l’environnement. « Notre chargée de projet en environnement peut compter sur l’aide d’un ou d’une stagiaire en environnement et des agents de sensibilisation », avise Mélanie Drouin. De précieux collaborateurs qui aident, au quotidien, à informer et sensibiliser les usagers du parc aux bonnes pratiques à adopter pour la conservation du joyau vert de Sherbrooke, le parc du Mont-Bellevue.
Article par Claudine Hébert