ASSQ 12 novembre, 2021

Innover pour mieux recruter

Qu’ont en commun ces temps-ci les stations de ski du Québec, de l’ouest du pays, du Vermont, du Colorado ou encore des Alpes, un peu partout en Europe ? Outre le fait d’attendre la neige pour ouvrir leurs portes, aucune d’entre elles n’échappe aux défis que soulève la pénurie de main-d’œuvre. Remontées mécaniques, enneigement, restauration…toutes les stations de ski de la planète, sans exception, éprouvent des difficultés à recruter le personnel nécessaire pour leurs opérations.

Cette réalité, qui était déjà présente bien avant la pandémie, démontre que les traditionnelles techniques d’affichage et de bouche-à-oreille ne suffisent plus. « Désormais, les gestionnaires et propriétaires de stations doivent non seulement revoir leurs stratégies de recrutement, ils doivent innover dans leurs façons de faire », insiste Sandrine Théard, fondatrice des Sources humaines, une organisation montréalaise qui propose diverses formations et ateliers sur le recrutement.

« Les entreprises n’ont plus le choix. Elles doivent faire des efforts et tenter de nouvelles expériences, poursuit la consultante en ressources humaines. Certaines actions, dit-elle, seront fructueuses, d’autres non. « En fait, affirme Sandrine Théard, la solution miracle en recrutement n’existe pas. Par contre, la somme de plusieurs initiatives, qu’elles soient petites et grandes, finira par faire une différence. »

Plusieurs stations ont justement expérimenté de nouvelles méthodes pour mousser leur campagne de recrutement au cours de l’automne. Certaines ont misé sur des journées portes ouvertes, des 5 à 7 de l’emploi, des entrevues dans les cabines, des présentations de vidéos sur les médias sociaux ou encore la mise en place de partenariats avec d’autres entreprises saisonnières. Des stratégies, comme nous l’expliquent les gestionnaires (voir les prochains textes), font déjà leurs preuves.

Vive la Tribu Tremblant

C’est beaucoup plus facile de faire face à la tempête en équipe que seul dans son coin. Voilà ce qui a motivé la création de Tribu Tremblant : un portail d’emplois qui réunit les membres d’une même destination. Depuis le 1er octobre dernier, les quelque 80 membres de l’Association de villégiature Tremblant, qui inclut les restaurants, boutiques, établissements d’hébergement, diverses activités, sans oublier la station de ski, dispose d’une plateforme commune pour annoncer les emplois à pourvoir.

« Depuis déjà deux ans que cette idée cogitait dans la tête de la direction de l’AVT », explique la chargée de projets, emploi et milieu de vie au travail de l’association, Andréanne Laroche Choquette. L’objectif, dit-elle, est de développer un sentiment d’appartenance au sein de notre communauté.

Le coût de cet outil, qui a bénéficié d’une subvention de L’Entente de développement numérique des entreprises touristiques (EDNET), est estimé à plusieurs dizaines de milliers de dollars, soulève la chargée de projet. L’équipe marketing de la destination, ajoute-t-elle, a travaillé avec deux agences.  Visage Régionaux a contribué au développement et déploiement de l’image et de la marque employeur, tandis que Substance\Radiance, qui collaborait déjà avec l’AVT, veille sur la campagne promotionnelle.

Jusqu’à présent, l’équipe du portail est très satisfaite des résultats. « Plus de 200 CV ont été déposés sur le portail en réponse aux quelque 360 postes publiés sur la plateforme », signale la chargée de projet. Bon an mal an, la destination emploie près de 2500 personnes à temps plein et temps partiel.

Crew de montagne, la nouvelle identité de Mont Gleason

Lorsqu’on mise sur de nouvelles stratégies de recrutement, ça aide de connaître ses forces et ses faiblesses. Cet exercice a justement inspiré le nouveau concept « Crew de montagne » au Mont Gleason.

À la suggestion de l’agence Absolu, approchée pour développer la nouvelle de campagne de recrutement de la station, la direction de Mont Gleason a procédé à un sondage auprès de ses employés en juin 2021. « Nous leur avons demandé ce qu’ils aimaient de leur emploi à la station », indique Francis Provencher, responsable des ressources humaines de la station de Tingwick. Résultat : plus de 80 % des répondants ont indiqué aimer leur travail parce que ce dernier leur donne l’occasion de skier gratuitement après les heures de travail.

Le sondage, dit-il, a également fait ressortir que près de la moitié des employés (48%) sont âgés de moins de 25 ans et que plus d’un employé sur deux (54%) travaille depuis au moins trois ans avec la station. Le solide esprit d’équipe dans les divers départements est également ressorti du sondage.

« Ces données nous ont permis de développer une nouvelle image de marque employeur avec l’agence. En plus de créer un site dédié au recrutement, nous avons mis en relief les éléments clés qui attirent les jeunes travailleurs, et avons adapté notre langage pour mieux communiquer avec cette clientèle », explique Francis Provencher.

En vigueur depuis le 6 octobre dernier, la nouvelle plateforme, propulsée par les médias sociaux, a déjà permis de doubler le nombre de CV que recevait généralement la station à l’aide de l’affichage traditionnel, et du coup, le nombre de personnes embauchées. « Et c’est loin d’être terminé », soulève, avec enthousiasme, le responsable des ressources humaines.

Décrocher une job à bord d’une télécabine!

Tous les moyens sont bons pour séduire de nouveaux candidats. L’équipe de Bromont, montagne d’expériences peut en témoigner. Les 3 et 9 octobre dernier, la direction de la station a eu le flash d’organiser des entrevues à bord d’une de ses télécabines.

« Cette stratégie a fait beaucoup de bruit », soulève Evelyne Déry, la conseillère marketing et communication de la station. En effet, l’initiative a fait le tour des médias traditionnels de la région, en plus de faire parler d’elle sur Facebook.

Évidemment, la meilleure des retombées repose sur le nombre de candidats qui se sont présentés. Plus d’une cinquantaine de candidats ont vécu l’expérience d’une entrevue à bord d’une télécabine toute décorée pour l’occasion. La discussion, qui se déroulait le temps de la remontée et de la descente, pouvait se poursuivre sous une des tentes aménagées aux pieds de la montagne.

Plus de la moitié des candidats qui sont montés à bord ont été embauchés le jour même pour des postes de préposés et opérateurs aux remontées mécaniques, cuisiniers, neigistes et bien d’autres », signale fièrement Evelyne Déry. La station Bromont, montagne d’expériences qui emploie bon an mal an près de 1000 personnes, compte bien répéter ce type d’initiative l’automne prochain.

Portes ouvertes, ski dating et combat des chefs à Ski Saint-Bruno

À la station Ski Saint-Bruno, où l’on doit recruter plus de 400 nouveaux employés chaque année, les équipes de marketing et ressources humaines multiplient les idées pour attirer de potentiels candidats.

Depuis le début du mois d’octobre, plusieurs activités de recrutement figurent ainsi au programme de la station montérégienne. Et ça cartonne! Que ce soit lors de la soirée portes ouvertes, présentée sous forme de 5 à 8, et des entrevues éclair ski dating, tenues au cours de la journée des prix reconnaissance, plus de 90 % des 110 candidats ayant participé à ces deux événements ont été embauchés », signale fièrement Stéphanie Grenier, directrice ventes et marketing de la station. La publicité sur les médias sociaux entourant les deux activités a également généré la réception de plus de 200 CV au cours des dernières semaines, ajoute-t-elle.

Et ce n’est pas fini. D’ici la mi-novembre, l’équipe marketing va préparer son fameux « combat des chefs » qui sera diffusé, entre autres sur Facebook. « Tous les superviseurs de département, qui sont toujours à court de personnel, devront préparer une vidéo. Ils auront chacun deux minutes pour « vendre » leur département et leurs qualités de chefs afin de convaincre de futurs employés à venir travailler avec eux », explique Stéphanie Grenier.  Lors du dernier « combat des chefs », présenté en novembre 2019, l’exercice s’est soldé par plus de 150 CV.

Un virage numérique payant pour Les Sommets

Il y a trois ans, l’équipe RH des stations Les Sommets a non seulement entrepris un virage numérique, elle a embauché une conseillère pour l’aider à rehausser l’image de marque employeur de l’organisation. Deux initiatives qui n’ont cessé de porter fruit, affirme Simon Lemieux, directeur principal des ressources humaines pour l’ensemble des stations Les Sommets qui compte plus de 1800 employés.

« Notre conseillère nous a fortement suggéré de reformuler tous les textes accompagnant nos offres d’emploi. Désormais, on utilise un vocabulaire qui transcende le plaisir et la passion de travailler à la montagne. Jumelées à des campagnes Google Ads, ces offres d’emplois sont affichées dans de grands médias, des marchés où l’on n’aurait jamais cru obtenir autant de bons succès », indique le directeur des RH.

Mais ce n’est pas suffisant pour pourvoir les quelque 600 postes qui nécessitent de nouveaux candidats chaque année. Ainsi, au début du mois de novembre, plus de 30 % de ces emplois étaient toujours vacants. Pourtant, Simon Lemieux demeure très confiant. Selon lui, les stations de ski ont, entre les mains, un élément clé qui pourrait faciliter le recrutement avant la période des fêtes.

« Les mesures sanitaires liées à la COVID-19 ont eu pour conséquence de limiter la vente d’abonnements annuels. Plusieurs stations, comme celles des Sommets, ont déjà vendu la majorité de leurs abonnements pour la prochaine saison. Ce qui me fait dire qu’un emploi dans une station, assorti d’un accès à la montagne après les heures de travail, pourrait devenir une option très alléchante pour les skieurs et planchistes qui ont attendu à la dernière minute. »

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